Au fil de l'AFP

MAKING-OF I JO-2024 : le secret des photos les plus marquantes de l'AFP

 

Un surfeur "au-dessus des nuages", un champion de BMX à l'assaut de l'obélisque de la Concorde, la toute première plongée dans la Seine... des photographes de l'AFP racontent comment ils ont immortalisé ces séquences marquantes des Jeux olympiques de Paris.

 

Par Sandra Biffot-Lacut / Marine Do-Vale

 

- Surf en lévitation

C'est une des images les plus reprises de ces Jeux : le surfeur brésilien Gabriel Medina comme en lévitation au-dessus des vagues, l'index vers le ciel, sa planche de surf à la verticale dans son dos, à Teahupo'o le 29 juillet. 

Un cliché signé Jérôme Brouillet, qui se trouvait sur un bateau dans le chenal, une zone d'eau plus profonde et plus calme sur le côté de la vague, sans vue dégagée sur l'action. 

"Je suis aveugle" à ce moment-là, explique le photographe. Mais c'était exactement l'endroit où il fallait se trouver pour immortaliser le "kick out" (moment où le surfeur sort de la vague à la fin de sa course) du Brésilien.

Le Brésilien Gabriel Medina réagit après avoir pris une grosse vague lors de la 5e manche de l'épreuve 3 de surf masculin, lors des Jeux Olympiques de Paris 2024, à Teahupo’o, sur l’île polynésienne de Tahiti, le 29 juillet 2024. © Jérome Brouillet / AFP

 

- BMX à l'assaut de l'obélisque

Un décor unique, un positionnement étudié et une "énorme part de chance", c'est la recette du cliché du champion de BMX José Torres Gil qui semble se dresser avec son vélo sur l'un des flancs de l'obélisque de la place de la Concorde.

Une photo prise par Jeff Pachoud le 29 juillet lors des entraînements, deux jours avant que l'Argentin ne s'empare de l'or olympique. 

"Je n'ai pas fait un clic, c'est une rafale et, dans la rafale, il y a une image où il y a cette impression visuelle un peu étonnante", précise le photographe.

L'Argentin Jose Torres Gil participe à une séance d’entraînement de BMX freestyle lors des JO de Paris, à la Concorde, le 29 juillet 2024. © Jeff Pachoud / AFP

 

- Selfie viral des Coréens du Nord et du Sud

C'est une image inédite: le selfie des pongistes de Corée du Nord et du Sud, médaillés et rassemblés sur le podium le 30 juillet, est devenu viral, alors que Séoul et Pyongyang sont techniquement en guerre depuis 1953.  

Un rare moment d'unité qui n'a rien de spontané, le +selfie de la victoire+ pris par un téléphone Samsung, partenaire des JO, étant un passage obligé. Il a tout de même ému le photographe sud-coréen Jung Yeon-je. 

"La génération de mes parents, qui a connu la guerre de Corée, a pu considérer la Corée du Nord comme hostile. Mais, aujourd'hui, de nombreux Sud-Coréens la considèrent comme un simple pays voisin avec qui coexister", assure-t-il, espérant voir à l'avenir "les joueurs nord-coréens et sud-coréens s'amuser et rire davantage ensemble".

Le Sud-Coréen Lim Jonghoon (g), médaille de bronze, prend un selfie sur le podium avec les Nord-Coréens médaillés d'or Wang Chuqin (derrière, à droite) et Sun Yingsha (devant, à gauche), Ri Jong Sik (2e g) et Kim Kum Yong (c), médaillés d'argent, et sa coéquipière Shin Yubin à l'issue de la compétition de tennis de table mixte en double aux Jeux Olympiques de Paris 2024, le 30 juillet 2024 à l'Arena Paris Sud, à Paris. © Jung Yeon-je / AFP

 

- Léon Marchand en contre-plongée

Avec quatre titres et une médaille de bronze, Léon Marchand est une des sensations de ces JO. Le Français est par ailleurs devenu le premier nageur depuis plus d'un siècle à décrocher deux médailles d'or individuelles dans la même soirée.

Un champion immortalisé par Oli Scarff, auteur d'une photo sous-marine illustrant la puissance du nageur lors de la demi-finale du 200 m papillon, le 30 juillet, prise avec une caméra robotisée sous-marine développée depuis de nombreuses années par le photographe de l'AFP François-Xavier Marit.

"La caméra robotisée est placée dans la piscine, selon nos instructions, par une équipe de plongeurs du Comité international olympique et contrôlée à distance par nos soins", explique Oli Scarff. 

"Le défi consiste, comme pour la photographie classique, à trouver quelque chose d'immédiatement intéressant et captivant", poursuit-il. "Dès que j'ai vu cette photo s'afficher, j'ai su qu'il fallait l'envoyer rapidement. C'est exactement le genre de photo que je recherche".

Une vue sous-marine montre le français Léon Marchand en compétition dans la course de 200 m papillon masculine lors des JO de Paris 2024 à la Arena La Défense Arena à Nanterre, le 30 juillet 2024. © Oli Scarff / AFP

 

- Premier plongeon dans la Seine

Très attendue après l'annulation de plusieurs entraînements et un report en raison de la qualité insuffisante de l'eau, la première épreuve des JO dans la Seine a été le triathlon féminin, remporté par la Française Cassandre Beaugrand le 31 juillet.

Ce premier plongeon a été capturé dans l'eau par Martin Bureau, équipé d'un caisson étanche pour protéger son boîtier, au pied du pont Alexandre III, duquel se sont élancées les nageuses.

Il raconte: "Il y avait beaucoup de courant. J'étais attaché par le poignet au responsable sécurité des JO qui s'était mis à l'eau une première fois pour tester la possibilité de faire descendre deux photographes en même temps, ce qui n'a pas été possible. Le simple fait de rester sur place dans les effluves de gasoil était épuisant".

"Cette première épreuve dans la Seine était très attendue et le fait que les nageuses soit nombreuses au départ rendait la chose très graphique quel que soit le point de vue", ajoute-t-il, parlant de Paris comme "couleur de ces JO".

Les athlètes participent à la compétition de natation dans la Seine lors du triathlon féminin des JO 2024, à Paris le 31 juillet 2024. © Martin Bureau / POOL / AFP

 

- Sacre des judokas français

Les judokas français étaient à la fête le 3 août après avoir remporté leur deuxième titre olympique par équipe mixte face au Japon, grâce notamment à deux victoires de leur leader Teddy Riner.

Un sacre immortalisé par Jack Guez, qui a photographié les champions et leurs médailles par en-dessous. Ce cliché lui tenait à coeur depuis les Jeux de Tokyo en 2021, où les Bleus avaient déjà gagné contre les Japonais, mais lui avait été refusé par la Fédération internationale de judo, l'accès au tatami étant interdit.

"Cette année, je me suis dit: il faut que je réussisse. J'ai fait comprendre au responsable que j'étais intéressé, sans trop espérer", confie-t-il. Une requête finalement acceptée. 

Les médaillés d’or de l’équipe de France posent après le podium de la compétition par équipes mixtes judo aux JO de Paris  au Champ-de-Mars, le 3 août 2024. © Jack Guez / AFP

 

- Explosion de Novak Djokovic

C'était le dernier titre majeur qui manquait à sa carrière: le 4 août, Novak Djokovic est devenu champion olympique après un match contre l'Espagnol Carlos Alcaraz à l'issue duquel il n'a pas réussi à contenir son émotion.

Un moment rare, le tennisman étant connu pour son stoïcisme, auquel a assisté Patricia de Melo Moreira, placée jusqu'au dernier moment du côté d'Alcaraz. 

"J'hésite à bouger, chacun des deux étant en mesure de gagner. Puis Djokovic commence à faire basculer le jeu, alors je cours jusqu'à l'autre bout du terrain", raconte-t-elle. Le Serbe l'emporte quelques instants plus tard et laisse exploser son émotion devant son appareil. "J'ai senti que, quel que soit l'avenir de Djokovic, j'avais immortalisé ce qui semblait être la pièce manquante d'une carrière complète, son dévouement au sport, à sa famille et à son pays", juge la photographe. 

Le Serbe Novak Djokovic réagit à la victoire sur l’Espagnol Carlos Alcaraz lors de la finale du tournoi de tennis masculin sur le court central de Roland-Garros pendant les JO de Paris 2024, le 4 août 2024. © Patricia de Melo Moreira / AFP

 

- Finale du 100m sur le fil

Rarement une course aura été aussi serrée: le 4 août, le sprinteur américain Noah Lyles est devenu champion olympique du 100 m seulement cinq millièmes devant le Jamaïcain Kishane Thompson.

"La finale du 100 m est toujours un événement sous haute tension", souligne Jewel Samad, qui a immortalisé cette victoire sur le fil grâce à l'un de ses dix appareils installés en hauteur et qu'il déclenche depuis la ligne d'arrivée. "Comme cette finale a été très serrée, cette perspective depuis le sommet offre un angle de vue intéressant".

"Je me sens toujours privilégié de faire partie de l'équipe qui couvre l'athlétisme et j'attends avec impatience le 100 m, où je tourne généralement avec 11 à 12 caméras qui tournent simultanément pour capturer autant d'angles que possible de cette course qui dure à peine 10 secondes", ajoute-t-il.

Une vue d’ensemble montre (de haut en bas) l’Américain Kenneth Bednarek, l’Américain Fred Kerley , la Jamaïcaine Kishane Thompson, la Sud-Africaine Akani Simbine, la Janaïcaine Oblique Seville, l’Américain Noah Lyles, le Botswanais Letsile Tebogo et l’Italien Lamont Marcell Jacobs, participent à la finale masculine du 100 m des JO 2024 à Paris au Stade de France, le 4 août 2024. © Jewel Samad / AFP

 

- Geste "super classe" des gymnastes américaines

Sacrée au sol le 5 août, la gymnaste brésilienne Rebeca Andrade a non seulement obtenu la reconnaissance des juges mais aussi de ses paires. Alors qu'elle montait sur la première marche du podium, les Américaines Simone Biles - sa grande rivale - et Jordan Chiles, respectivement en argent et bronze, se sont agenouillées pour témoigner de leur admiration.

"Un geste super classe", symbole de sororité, capturé par Gabriel Bouys et devenu viral.

"J'ai vu les Américaines se parler avant la remise des médailles, je me suis douté qu'il allait se passer quelque chose et j'ai décidé d'élargir le champ", se souvient-il. "Ce n'est pas moi qui fait la photo, ce sont elles. C'était un moment super sympa", à l'image de l'ambiance générale de ces Jeux, se réjouit-il.

  De gauche à droite, Simone Biles (argent), Rebeca Andrade (or) et Jordan Chiles (bronze) posent lors de la remises des médailles pour le concours au sol des JO 2024 à la Arena de Bercy, le 5 août 2024. © Gabriel Bouys / AFP

 

- Perspective graphique pour Simone Biles

Alors qu'elle avait jusque-là réalisé un sans-faute en remportant trois médailles d'or en trois épreuves, la superstar de la gymnastique Simone Biles a échoué sur la poutre le 5 août, terminant seulement cinquième après une chute.

Un échec qui n'a pas empêché Loïc Venance de signer un cliché très graphique de l'Américaine. "Ce que je cherche sur la gym, ce sont des photos vraiment +clean+ (propres), avec le fond noir et surtout pas les panneaux lumineux et les logos", explique-t-il.

Pour cette dernière journée de la gymnastique artistique, le photographe est arrivé au moins deux heures à l'avance pour avoir la place idéale. "Je cherchais une position de trois quarts mais pas trop pour pouvoir quand même avoir une vision de la poutre bien de face, tout en gardant un fond bien noir derrière", se souvient-il. "Je me suis baissé le plus possible, j'étais pratiquement assis par terre pour mettre la perspective du muret au niveau de la poutre".

L’Américaine Simone Biles participe à la finale de la poutre en gymnastique artistique lors des JO 2024 au la Arena de Bercy  à Paris, le 5 août 2024. © Loïc Venance / AFP

 

- Armand Duplantis toujours plus haut

C'était écrit mais le "Mondo show" a tenu ses promesses le 5 août, Armand Duplantis s'adjugeant sans rival son deuxième titre olympique, avant de porter à 6,25 m, au bout du suspense, son record du monde à la perche.

"L'atmosphère était incroyable, le bruit de la foule extraordinaire", se remémore Ben Stansall, qui a capturé la performance du Suédois, notamment au moment de sa retombée. 

"Je me tenais de l'autre côté du terrain, avec un objectif de 400 mm (...) La distance permettait aux anneaux olympiques de Paris d'être bien visibles sur la photo lorsqu'il passait. Heureusement, je me suis tenu à l'écart des autres photographes, ce qui est rare pendant l'athlétisme et ce qui a rendu l'image unique", se félicite-t-il.

Le Suédois Armand Duplantis franchit le 6,25 m et établit le nouveau record du monde dans la finale du saut à la perche masculin des JO de Paris 2024, au Stade de France le 5 août 2024. © Ben Stansall / AFP

 

- Surf sous-marin

Le Tahitien Kauli Vaast a dompté la vague de Teahupo'o pour devenir le premier champion olympique français de l'histoire du surf, dans la nuit du 5 au 6 août.

Seul photographe d'agence accrédité sous l'eau pour ces épreuves, Ben Thouard a notamment immortalisé le surfeur lors des demi-finales, quelques heures avant son sacre. 

Pour réaliser ce genre de cliché, "il faut avoir un placement très précis et très proche", explique celui qui fait des photos de surf depuis une vingtaine d'années. Le maître mot, c'est "l'anticipation" du mouvement de la vague, des surfeurs, mais aussi du matériel. 

Au moment où il plonge en apnée, "tous les réglages doivent être prêts". Entre l'appareil photo placé dans un caisson étanche et le masque sur les yeux, impossible d'accéder précisément aux commandes. 

Le Français Kauli Vaast pendant les quarts de finale masculins lors des JO de Paris 2024 à Teahupo’o, le 1er août 2024. © Ben Thouard / POOL / AFP